Accueil du site / Trous tardifs / Origine n° 4 : Les Butyriques

1. Caractéristiques

Ce sont des bactéries du genre Clostridium. Les espèces provoquant les défauts sont : butyricum, tyrobutyricum et beijerinckii. Ces bactéries sont capables de sporuler. Elles ont la capacité de produire à partir des lactates (après acidification complète du fromage) :

  • de grosses quantités de gaz (CO2 et H2 insoluble) donc formation d’ouvertures de taille importante : bulles ou fentes pouvant aller jusqu’à l’éclatement
     de l’acide butyrique (C4), dégageant dans le fromage des arômes souvent désagréables et des goûts piquants
  • de l’acide acétique (C2) en faible quantité

La cellule végétative (cf schéma ci-dessous) a la capacité de produire une spore (coquille). La forme sporulée est très résistante aux agents physiques et chimiques comme la chaleur, l’oxygène, l’acidité. A ce stade, elle est en état de dormance.

Elle a ensuite la capacité de germer lorsque les conditions redeviennent favorables. Dans le lait, les butyriques se trouvent sous forme de spores (qui sont seules comptées à l’analyse). Au cours de la fabrication, l’acidité va empêcher la germination des spores qui ne pourra se faire que lorsque le pH remontera au cours de l’affinage (pH 5.4 -5.6).

Le passage de la forme sporulée à l’état de cellule végétative est assez lent, même en conditions très favorables comme lors de l’analyse (milieu, température ...). La production de gaz peut prendre plusieurs jours.

  • Facteurs favorisant la germination :

 Le pH élevé : la remontée du pH au cours de l’affinage des fromages est plus ou moins rapide selon les technologies
 Le taux de sel faible : les fromages peu salés sont plus sensibles, ce qui est le cas du coeur des fromages de gros format
 La température d’affinage élevée va favoriser le gonflement
 L’activité de l’eau du fromage élevée
 L’absence d’oxygène

  • Facteurs favorisant la multiplication :

 Le pH élevé, mais C. tyrobutyricum peut se développer à pH 4.5 avec un optimum de 5.8
 La présence de bactéries ne consommant pas le galactose favorisent le développement des Clostridium
 La présence d’acétate et de sucres (galactose) conditionne la fermentation des lactates produisant le gaz

Le gonflement sera plus intense avec un nombre plus important de spores dans le lait.

2. Identification de la bactérie et seuils

Ceci permet de confirmer le diagnostic obtenu par description.

a) dans le fromage :

En pâte pressée, le dosage des AGV est une analyse de laboratoire qui permet d’identifier le germe responsable des gonflements. Pour l’acide butyrique (C4), les valeurs inférieures à 10 mg/ 100g de fromage sont considérées comme normales. On peut soupçonner un gonflement d’origine butyrique au-delà de 20 mg/100g, si le rapport C4 / C6 est supérieur à 3. En deçà de cette valeur, le C4 peut être issu de lipolyse voir tableau.

b) dénombrement sur le lait

Le résultat d’analyse est exprimé en nombre le plus probable (NPP) car on doit être 1000 fois plus précis que pour les autres germes : l’analyse dénombre des spores/L et non des UFC/ml.

Le NPP ne dénombre que les spores : la population est donc sous estimée

On analyse avec un milieu de culture un peu sélectif : Cl.butyricum s’y développe un peu.

Le résultat est exprimé avec un intervalle de confiance de 95% (95% de la population) : indiquer le NPP ne suffit pas, il faut aussi indiquer le nombre maximum.

Pour les laits à moins de 1000 spores, il serait souhaitable d’effectuer l’analyse sur 2x10 tubes (ou 3x5 tubes) plutôt que la méthode de routine à 2x5 tubes. De plus, il faut raisonner l’interprétation sur des séries de résultats car la contamination est instable et les problèmes d’analyse sont fréquents.

  • De nouvelles méthodes d’analyse sont en cours d’étude :

 la filtration sur membrane puis identification semble prometteuse
 les anticorps de spores sont d’utilisation difficile (interactions avec des antigènes parasites)
 l’incubation puis recherche d’anticorps nécessite 2 à 5 jours
 l’incubation sur milieu avec traceur coloré donne de bons résultats

Ces analyses sont dépendantes de la germination comme pour le NPP, donc longues. La recherche se fait en laboratoire par la méthode du "nombre le plus probable" qui est assez imprécise : il peut être nécessaire de tenir compte du nombre maximal (NM) en plus du NPP. La précision de la méthode est améliorée par une analyse à 3x5 tubes. En pâte pressée, le lait ne doit pas être chargé à plus de 500 spores/Litre, parfois 200 sp/L pour des technologies assez sensibles.

3. Origines de la contamination du lait

Le réservoir principal est le sol, la terre. On retrouvera ainsi des butyriques sur tout ce qui peut être souillé directement par la boue ou la poussière (comme les trayons ou la machine à traire), ou sur ce qui est contaminé tout en laissant la possibilité à ce germe de se développer (comme les aliments fermentés : ensilage ou foins mal conservés).

Une concentration se produit dans l’appareil digestif et l’on retrouve 10 fois plus de spores dans les fécès que dans l’aliment. Le passage dans le lait se fait au moment de la traite : l’hygiène de traite est donc un point de maîtrise essentiel. L’ambiance de traite poussiéreuse peut aussi contaminer le lait.

  • Pour limiter la contamination liée aux trayons souillés :

 Limiter la poussière pendant la traite : distribution d’aliment contaminé, balayages, courant d’air... (observation à la lumière)
 Eviter le passage des animaux en production dans les zones boueuses, sur les écoulements de silos ou de fumière
 Vérifier la propreté de la machine à traire : lactoduc + circuit de vide + efficacité du lavage (température, dose de produits, durée, turbulence)
 Arrêter la distribution d’aliment à risque : ensilages, enrubannés, foins poussiéreux ...
 S’assurer de la qualité de l’eau utilisée pour l’abreuvement des animaux et pour les nettoyages du matériel (analyse)

  • Une étude à montré qu’il existe un coefficient multiplicateur pour un lait chargé à 1700 spores par litre :
    • *Ensilage = x 1.5
    • *Boue = x 1.7
    • *Propreté des animaux = x 0.8
    • *Hygiène de traite = x 0.5

Les actions menées à ces 2 derniers niveaux permettent donc de diminuer la contamination du lait (source : ITFF Rennes). Une recherche régulière des spores dans le lait en routine est à réaliser, il n’y a pas de test à la ferme pour ce germe.

En fabrication : S’assurer du bon niveau final du pH ou de l’acidité, ainsi que du salage.

4. Scénario de contamination

5. Remèdes

  • En curatif, peu de choses sont envisageables :

 En affinage, un abaissement de la température entre 8 et 10°C permet de limiter l’importance du gonflement
 La tentation de percer les fromages pour les dégonfler présente le risque de développement de moisissures internes (bleu) et n’a aucune action sur les mauvais goûts

6. Prévention

Après avoir déterminé et combattu l’origine de la contamination, en fabrication et affinage, la combinaison de plusieurs facteurs peut être efficace, bien que limitée.

  • En fabrication, et selon les possibilités technologiques par exemple :

 Consommation complète du galactose par des bactéries spécifiques
 Acidification conduite sur des niveaux assez bas
 Crémage du lait
 Pénétration rapide et suffisante de sel
 Utilisation des ferments anti-butyriques en complément d’ensemencement
 Hors AOC : utilisation de lysozyme