Mon nom est Mucor, ou "poil de chat" pour les intimes !
Je suis une moisissure qui se nourrit de matières mortes, autrement dit éboueur naturel très efficace et indispensable dans le recyclage des déchets organiques.
J’habite dans la couche superficielle du sol (terre, litière végétale, fumier), en fait où il y a de l’humidité et de la nourriture morte ! Sans moi, il n’y a pas de dégradation des feuilles mortes à l’automne, et je participe largement à la chaîne alimentaire. Je ne suis pas dangereux pour l’homme mais je m’arrange pour défigurer les fromages qui deviennent gris, noirs avec des poils plus ou moins long et épais.
La famille des Mucorales est très vaste, avec différents genres (Mucor, Rhizopus, Absidia, ...). Ce qui les différencie c’est la couleur, l’aspect, la vitesse d’envahissement... On trouve en tout pas loin d’une trentaine d’espèces.
Je me reproduis de plusieurs façons :
Je suis capable de développer certaines formes de résistance : les chlamydospores
Certains de mes cousins, par exemple, M.racemosus, ont dans leurs filaments des chlamydospores. Ce sont des structures à paroi épaisses jouant un rôle de survivance qui permettra à ce Mucor de résister aux situations les plus défavorables. En fait, ces chlamydospores sont de vraies bombes à retardement, je ne voudrais pas vous faire peur mais M.racemosus c’est un dur à cuire !
Vous commencez à comprendre ? Je m’installe et après difficile de me déloger !
Au fait, j’ai oublié... mais je ne voudrais pas vous inquiéter : un sporange, vous savez ces sacs noirs, renferment en moyenne 4000 spores, qui à leur tour en deux jours donnent des bébés Mucor, une super famille nombreuse ! Même qu’on arrive à se gêner entre nous, la famine quoi ! Heureusement que mes enfants sont d’excellents parachutistes, ils peuvent se déplacer et trouver à manger.
Je suis constamment présent dans le foin, la paille, les céréales et la litière. Je suis véhiculé dans la fromagerie par (par ordre de risque décroissant) :
Au bout de quelques jours mes frères et moi, nous sommes plus nombreux dans la fromagerie qu’à l’extérieur.
J’adore manger du fromage, il apporte tous les éléments nutritifs dont j’ai besoin pour germer et donner de magnifiques filaments.
En fait, niveau bouffe, je ne suis pas exigeant, je peux me "satisfaire de tout et de rien", je suis ce que l’on appelle un pionnier. En plus :
Mes concurrents en terme de vitesse de développement sont les Geotrichum et les Penicillium et dans une moindre mesure les levures
TEMPERATURE |
pH |
Aw |
HR (%) |
Sel (%) |
|
OPTIMUM |
20-25° C |
5-6 |
> 0.95 |
90-95 |
Sans ou peu |
mini |
Basse (5° C) |
2 ? |
0.9 |
||
maxi |
40° C |
? |
3 % |
En fait, comme tu as pu le voir tout à l’heure, mes enfants les spores sont très légères et un petit souffle d’air leur suffit à prendre leur envol. Malheureusement, elles ne peuvent pas se diriger, alors nous nous laissons porter par les courants d’air et nous profitons des ascendances pour nous promener. Puis, quand la fromagerie redevient calme nous tombons vers le sol, mais souvent nous rencontrons des fromages-repas. C’est surtout par l’air que je me déplace. Les jours de grand calme je suis triste. Pour moi le top du top, ce sont les courants d’air chargés de fines gouttelettes d’eau, alors là je me régale, j’aime l’eau !!!
Avant tout j’aime le vent, j’adore les déplacements d’air. Grâce à l’air, je me disperse partout et après je me dépose.
Cependant, j’ai d’autres moyens pour me faufiler dans la fromagerie :
Alors, comme je mange n’importe quoi, un peu de lactose, quelques minéraux et vitamines avec un grand bol d’eau, je mange à m’en faire craquer la ceinture...L’acide lactique ne me gêne pas, le sel non plus, je te le dis à toi car j’ai l’impression que tu me crois, mais certains de tes collègues restent dubitatifs.
Non je n’ai pas d’ennemis mais des concurrents qui se multiplient à peu près à la même vitesse que moi : levures et surtout Geotrichum candidum . Si ce dernier est en nombre plus important que moi (dans le cas d’un ensemencement massif du lait par exemple) il peut être dominant et de fait limiter mon développement.
Oui, je commence par une phase d’approche : j’observe le terrain, et à la moindre opportunité : fromages pas égouttés, peu de Geotrichum candidum, j’envahis les fromages et je me propage dans toute la fromagerie, provoquant la phase aiguë de la contamination. Je parachute toutes mes spores dans la fromagerie, on arrive ainsi à être 500 et plus par m3 d’air. En fait, nous sommes moins nombreux à l’extérieur qu’à l’intérieur.
Je profite de tous les changements qui se présentent, pendant la fabrication, au cours de la distribution du foin, d’enlèvement de fumier. C’est à ce moment que je porte mon "attaque".
Je n’aime ni le froid de l’hiver, ni la chaleur de l’été. Alors pendant cette période, je suis quasiment en "hibernation" en attendant que des conditions plus favorables reviennent. Mes spores sont très résistantes aux conditions extrêmes ! En revanche, le printemps et l’automne sont pour moi de belles saisons, car elles correspondent aux conditions idéales pour mon développement (beaucoup d’humidité dans l’air, pollen, feuilles mortes, ...).